Internements abusifs:
La France victime d’une paranoïa sécuritaire
Qu’ont en commun un avocat qui refuse de se laisser fouiller à la sortie d’un magasin, une manifestante un peu trop vindicative, ou encore cet homme qui a la fâcheuse habitude de s’exercer au violon un peu trop tard dans la soirée? L’hospitalisation d’office (HO).
Internés contre leur gré et sans le consentement d’un proche, ils ont eu un mal fou pour retrouver leur liberté. Et pourtant, ils ont été reconnus victimes d’internement abusif. A l’heure où la question « Que faire de nos fous? » est sur toutes les lèvres, une autre mérite tout autant d’être posée. Comment des personnes saines d’esprit peuvent-elles finir en hôpital psychiatrique, quand ceux qui devraient y être sont dans nos rues? Qui fixe les frontières de la raison?




La France a cette particularité que l’internement y est administratif et non judiciaire. En clair, c’est le seul cas de figure dans lequel un individu peut se voir privé de liberté sans débat contradictoire. « La justice n’intervient que quand le mal est fait. Encore faut-il que la personne internée connaisse ses droits et sache comment la saisir. » s’indigne André Bitton. Le président du Groupement Information Asiles (GIA) sait de quoi il parle. Son association, uniquement composée d’anciens patients, est à l’origine de la plus grande partie de la jurisprudence en la matière. S’il fallut attendre l’action du GIA c’est pour une raison bien précise.
Maître Raphaël Mayet l’explique. « En six ans de formation, je n’ai suivi que six heures de formation sur les privations de libertés abusives. Le peu d’avocats français spécialisés en la question se sont formés sur le tas. Aucune formation n’est dispensée en France. Quand même les avocats ne sont sûrs des droits de leurs clients, quel espoir de se défendre a une personne hébétée par les médicaments qu’on lui force à prendre? » interroge l’avocat.
Se défendre. Prouver que l’on est saint d’esprit. Comment faire lorsque la folie n’est pas clairement définit? ” C’est une tyrannie technocratique. Le moindre excès de colère est pris pour un signe de démence. Dès qu’on est emmené devant un psychiatre, il en déduit forcément qu’il y a une raison à cela. Il ne peut pas imaginer un seul instant que si on a été conduit devant lui, c’est par erreur. Et c’est là que tout commence.” s’insurge André Bitton.
Aussi difficile d’en sortir qu’il est simple d’y entrer.
En témoigne l’histoire de cette sociologue, Mme Stark, qui a eu la chance d’avoir une assurance médicale suisse. Voisine d’un couple de retraités, ces derniers se plaignent régulièrement de nuisances sonores auprès de la police. Les plaintes continuent jusqu’au jour où la police vient procéder à l’arrestation de Mme Stark et sa fille Iasna à leur domicile. Conduites à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris (voir l’article consacré à l’infirmerie), elles sont entendues par un médecin. Le lendemain la fille est libérée et sa mère conduite à Sainte-Anne.
Quelles solutions?
Changer l’institution, même de l’intérieur semble inconcevable. En témoigne l’exemple du docteur Paresys. Chef du service psychiatrie de l’EPSM des Flandres à Bailleul pendant 15 ans, l’administration a décidé de ne pas le reconduire à son poste. Désigné par ses collègues comme la première victime de la loi Bachelot, il lui est reproché d’avoir douté des voies contables. Steeve Aubert
Nos voisins ont en effet décidé d’en finir avec leur hôpitaux psychiatriques il y a déjà plus de 30 ans. A la place, une approche plus humaine de la pratique psychiatrique. « Un établissement publique de santé par secteur doté d’un budget propre. Un accueil 24 heures sur 24. Des soins uniquement consentis par le patient après un premier contact, une première évaluation humaine. La fermeture progressive des hôpitaux psychiatriques encadrée par une loi et de façon démocratique. C’est à mon sens la seule façon de rendre un visage humain à cette pratique qui est indispensable d’un point de vue sociologique. » propose le psychiatre.
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